Près de 19 ans après l’assassinat de Johanne Sutton en Afghanistan, la France a reconnu Johanne comme victime du terrorisme.
Désormais, sa mort n’est plus considérée seulement comme « un accident du travail ». Rien que d’écrire ce terme je suis glacée.
Johanne Sutton exerçait son travail de grand reporter. Elle était en Afghanistan. Elle est tombée sous les balles des terroristes talibans le 11 novembre 2001.
11 mars, Une journée nationale en hommage aux victimes du terrorisme
L'Europe et le Président Emmanuel Macron ont décrété que le 11 mars serait la Journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme. Tous les ans, on commémorera la mémoire des milliers de victimes françaises lâchement assassinées par les terroristes.
Johanne rejoint cette triste et longue liste, près de 19 ans après sa mort.
Une cérémonie à l’ambassade de France à Kaboul
Au mois de février j’ai été contactée par une journaliste de RFI. L’ambassade de France à Kaboul voulait entrer en contact avec moi. J’ai bien entendu accepté cette prise de contact.
Le personnel de l’ambassade et Monsieur l’Ambassadeur Martinon m’ont expliqué que pour cette journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme, l’ambassade organisait une commémoration.
Nous avons envoyé à l’ambassade des informations sur Johanne, des photos, et un texte qui allait être lu en notre nom.
La cérémonie a eu lieu le matin du 11 mars dans l’enceinte de l’ambassade. Une stèle et une plaque ont été placés. Vous trouverez mon texte en fin d'article
Portraits des victimes françaises assassinées en Afghanistan exposées le 11 mars à l'ambassade de France à Kaboul
11 mars cérémonie au Trocadéro à Paris
Emmanuel Macron a voulu que cette première journée nationale aux victimes du terrorisme soit une véritable journée du souvenir. Les familles et les victimes d’attentats étaient présentes le 11 mars dans l’après-midi sur la Terrasse du Trocadéro.
Le président de la République, Madame Brigitte Macron, SAS Royal Felipe V, Roi d’Espagne, le gouvernement dans sa grande majorité, des députés, MM. Hollande et Sarkozy, Anne Hidalgo, les associations des victimes et les représentants de la société civile étaient présents pour une cérémonie émouvante.
J’étais là en compagnie de ma famille. Ce moment a été une grande émotion. Un moment fort, juste, humble et déterminé.
Johanne tu n’es pas morte mais tout simplement disparue
Cette reconnaissance de Johanne en tant que victime du terrorisme ne répare pas la perte de notre Jo adorée, n’annule pas le chagrin, le manque et la douleur, cela ne change rien à notre peine, mais cette reconnaissance est juste, elle incarne la vérité.
C’est un tout petit soulagement mais qui a une importance primordiale. Cette reconnaissance officielle c'est aussi une source supplémentaire de souvenir dont nous aurions tellement aimé que Johanne n'en fasse jamais partie.
Je remercie l’Ambassade France à Kaboul qui a fait un travail remarquable pour préparer cette cérémonie du 11 Mars. Je remercie Sonia, journaliste à Kaboul et enfin je remercie Emmanuel Macron d’avoir pris cette décision si importante de faire du 11 mars la journée nationale en hommage aux victimes du terrorisme.
Texte lu en notre nom à l’ambassade de France à Kaboul
« Johanne Sutton, notre sœur, tante de Pauline, ma fille, était
une femme hors du commun. 18 ans après son assassinat alors
qu’elle effectuait son travail de journaliste grand reporter, le
monde se souvient d’elle. Comme le chantent tous les matins les
enfants de l’école malienne qui porte son nom : « Johanne n’est
pas morte, elle est tout simplement disparue ».
Depuis 18 ans, des signes de sa courte vie ne cessent de nous
éclairer, comme pour nous donner à nous du courage.
En 2002, Johanne est reconnue comme victime du 11 septembre
aux Etats-Unis, en lien direct avec la guerre d’Afghanistan.
En 2003, une plaque commémorative est posée au Newseum de
Washington.
11
En 2004, une école portant le nom de Johanne est créée au Mali,
plus de 100 enfants y étudient tous les jours. Nous ne l’avons
appris qu’en 2014.
En 1989, Johanne avait effectué un reportage à Berlin lors de la
chute du Mur alors qu’elle était avec quelques compagnons en
Allemagne et qu’aucune presse n’était présente pendant les
premières heures de la chute. Ce n’est qu’en 2019, 30 ans après
ce reportage, que l’on découvre le travail qu’elle avait effectué à
l’époque.
Et aujourd’hui, en 2020, Johanne est une victime civile du
terrorisme. Cette reconnaissance est pour nous sa famille une
sorte d’apaisement, qui n’effacera pas le chagrin et le manque,
mais qui met un mot sur son assassinat qui reste encore si
mystérieux. Johanne est une victime certes, mais elle est aussi
aux yeux de tous une héroïne.
Monsieur le Président de la République, Monsieur l’Ambassadeur,
merci pour cela. Que la Terre lui soit légère, que la Terre soit
légère à toutes les victimes du terrorisme et de la barbarie. »
Photos de la cérémonie à Paris